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30 sept. 2009

Obama à la barre, une affaire de style

Beaucoup de commentaires circulent sur la prétendue faiblesse d’Obama, notamment à la lumière du difficile accouchement de la réforme de l’assurance santé, axe majeur de sa présidence qui est devenu aussi un test clé de sa réussite, plus encore peut-être que l’intervention en Afghanistan – les doutes du président sur la validité de cette opération-ci amplifient d’ailleurs les questions sur son "leadership" dès lors qu’il s’agit de gouverner et non de faire campagne.

Le style Obama est celui d’un président cérébral qui pèse et soupèse les arguments, et recherche autant que possible un consensus bipartisan, approche ancrée dans la conviction que les Etats-Unis ont été beaucoup trop divisés, que le jeu politique a été bien trop acrimonieux et que l’unité nationale – thème de campagne – impose un style plus consensuel que l’exercice du pouvoir sous Bush-Cheney. La recherche d’un soutien parmi les républicains est autant le reflet de cette conviction sincère d’Obama qu’une mesure de prudence tactique. Souvenons nous de l’échec de la Société des nations rejetée par un Sénat républicain traité avec mépris par Wilson, et plus près de nous du refus d’Hillary Clinton de traiter avec les républicains pour faire passer la réforme du système de santé au début de la présidence de Bill.

Le discours au Congrès a permis au président de reprendre la main après un été difficile, mais la pédagogie (expliquer un problème complexe à une opinion concernée très directement et est sensible aux alertes sur toute restriction de leur liberté d’action), laisser le temps au temps et inciter le Congrès à débattre, cela est un style de gouvernement qui tranche avec la précédente présidence et peut en effet paraître inefficace. Cela manque de nerf, entend-on, mais conclure à la faiblesse du président semble tout à fait hâtif. Les enjeux sont très élevés, et la maturation qui a accompagné l’engagement public d’Obama depuis quinze ans, laisse plutôt penser à la forme plus qu’au fond. Des corrections peuvent ainsi être apportées – Obama s’est prononcé solennellement devant les parlementaires – au style et au rythme des interventions présidentielles, mais il s’agit de doser le magistère de la parole comme les pressions institutionnelles au cours du processus de décision politique qui mènera à l’adoption de la réforme.

La pierre d’achoppement, soit dit en passant, est la création d’une option publique d’assurance sensée créer un plafond quant au coût des prestations. Car la finalité de la réforme est double – couverture universelle certes, mais aussi maîtrise des dépenses de santé. Obama ne fait pas seulement face à une opposition en bloc des républicains où les rangs des modérés ont été décimés ou réduits à une totale discrétion, mais la majorité, divisée entre une gauche favorable à l’option publique et un centre gauche sensible à l’équilibre des comptes, qui n’en veut pas. Les démocrates comptent donc 60 sénateurs, seuil magique pour faire adopter un texte sans obstruction de l’opposition, mais sont incapables de réunir ces 60 voix sur un texte ! Obama a soufflé le chaud et le froide sur cette option publique qui ferait concurrence aux assureurs privés, et concentre les débats, donnant à penser à une certaine indécision de sa part, au détriment de sa réforme.

La question afghane illustre aussi ce constant va et vient de la réflexion chez le président, qui se reflète dans son style. Obama avait clairement identifié l’Afghanistan et el Pakistan comme les points privilégiés de l’action américaine contre le terrorisme. Cette lecture n’est pas en cause, mais au moment de lancer les Etats-Unis dans un difficile combat il est plutôt salutaire que le commandant en chef reconsidère la justesse de cette orientation. On peut en effet se poser la question : l’Afghanistan ne signifie-t-il pas déjà l’échec pour la présidence prometteuse de Barack Obama ?

En bref, les deux Obamas peinent à trouver un équilibre, l’Obama qui réfléchit et pondère, et celui qui décide. C’est sans doute là le propre de l’action politique, le va et vient entre pensée et engagement. Ne nous en plaignons pas, après l’absolue certitude qui restera la marque de la présidence W (« the dead certain presidency »). Obama est confortable dans le premier rôle, celui de la réflexion et du message transmis en campagne. Face aux réalités des mécanismes du pouvoir et aux complexités des sujets à traiter, il cherche encore sa marque dans l’exercice du pouvoir exécutif, tâchant d’éviter les écueils.

Ce n’est pas de la faiblesse, c’est de la prudence tactique pour arriver sans bruit à ses fins.

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