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18 sept. 2009

Obama à l’offensive?

Il y a quelques jours le président américain a prononcé devant le Congrès un discours très attendu sur la réforme de l’assurance santé en discussion depuis des mois. L’été fut meurtrier puisque les parlementaires de retour dans leurs circonscriptions ont dû expliquer les intentions de l’Exécutif et que les républicains les plus inflexibles ont multiplié les accusations de socialisme. L’hystérie ne s’est pas totalement dissipée, témoin que les espoirs de bipartisanisme ne sont pas près d’être réalisés.

Le bilan du discours d’Obama est positif : le verbe a repris sa place et le discours fut assez précis, même s’il n’est pas certain de gagner une majorité et de remporter l’adhésion de plus d’une petite poignée de républicains. Là-dessus, le cri de « menteur » poussé un peu fort par un représentant républicain durant l’adresse présidentielle, chose unique et très inconvenante, ne suffira pas créer par les républicaines un sentiment de culpabilité lavé par le vote du plan présidentiel… Bref, la bataille parlementaire n’est pas finie et l’entremise d’une des chefs démocrates au Sénat (Max Baucus) pour une négociation bipartisane ne semble pas encore porter de fruits.

Ce qui est surtout remarquable dans cette intervention, c’est que le président a su à nouveau offrir une vision de l’Amérique et se montrer insensible à l’idéologie. Le discours fut américain avant d’être démocrate. Perçait la réflexion si caractéristique d’Obama sur le devenir de l’Amérique et sur le besoin d’une synthèse qui dépasse les clivages traditionnels. La référence à Theodore Roosevelt, président républicain puis fondateur du progressisme politique aux Etats-Unis en 1912, initiateur de politiques attentives à la condition humaine et au rôle de l’Etat pour juguler les forces du marché, fut à ce titre marquante. Rappelons que « TR » comme l’appellent les Américains, est le héros de John McCain, auquel Obama s’est d’ailleurs référé en soutenant sa proposition de campagne d’assurer une couverture immédiate minimale pour ceux sans couverture afin qu’ils ne soient pas ruiné s’ils tombent malades. Le président a parlé d’échec collectif, il a parlé de libre choix pour rassurer les Américains qui craignent par-dessus tout une intrusion de l’Etat dans leur liberté d’action (ne plus pouvoir choisir librement leur médecin traitant par exemple).

Tout en défendant une réforme destinée à assurer à tous une couverture santé, Obama a évoqué l’esprit américain, montrant une compréhension des réflexes qu’il ne partage pas nécessairement mais qu’il accepte comme faisant partie de la culture du pays. En cela il n’est pas un idéologue, sachant composer avec les réalités persistantes, les héritages historiques et les permanences de la société.
En parlant du « caractère de notre pays », Obama a rendu hommage à l’individualisme, à la défense de la liberté et reconnu le scepticisme salutaire quant à l’action de l’Etat (« One of the unique and wonderful things about A has always been our self reliance, our rogue individualism, our fierce defense of freedom, and our healthy skepticism of government »), ajoutant : « Définir la taille et le rôle appropriés de la sphère d’Etat a toujours été la source de débats rigoureux et parfois tendus. C’est notre histoire. »

Ce discours lucide, rassembleur et, je persiste, reaganien, confirme la dimension propre du personnage – mais ces qualités, paradoxalement, ne garantissent que la présidence Obama sera ue réussite.

La situation internationale que doit affronter la politique étrangère de l’administration a en effet de quoi laisser sceptique. Le bourbier afghan pourrait être la tombe de cette présidence si prometteuse. L’héritage ici est lourd à porter. L’abandon cette semaine du plan de défense antimissile, qui voit une bonne partie de l’opinion républicaine dénoncer un acte de faiblesse, est le premier grand acte d’une politique extérieure largement cantonnée jusqu’ici aux paroles.

Ne pas continuer une politique de confrontation avec la Russie qui, quels que soient les torts d’un régime qui ne se réforme pas, cultive une atmosphère de guerre froide – que les experts nomment fréquemment « paix froide » - est un acte salutaire. Bien sûr il y a donnant-donnant, et le soutien russe face à l’Iran ou avant le renouvellement d’accords stratégiques venant à échéance en décembre 2009, font partie des attentes américaines. Mais Obama rompt ici avec la politique inspirée par « W » et plus encore par Dick Cheney, qui fut clairement négative à l’égard de la Russie.

Il y a cependant peu à attendre quant aux effets d’entraînement que l’assouplissement américain pourrait avoir au plan intérieur en Russie, où le souvenir de la décennie 1990 et des réformes drastiques inspire au régime de privilégier la « souveraineté » à la modernisation.

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