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10 oct. 2009

Obama Prix Nobel

Pour n’avoir pas partagé l’obamania de 2007-2008 et considéré que sans la crise et l’erreur du choix de Sarah Palin le républicain McCain aurait succédé à G. W. Bush en novembre dernier, il est difficile de ne pas se trouver à nouveau à contre-courant s’agissant de la nouvelle stupéfiante venue d’Oslo.

Les commentaires sur la « faiblesse » d’Obama semblent bien hâtifs car le style de l’exercice du pouvoir, en une période aussi intense et complexe (crise américaine, nécessité de refonte du système social, guerres à l’étranger, etc.), doit s’ajuster aux circonstances. Obama le conciliateur ne paraît pas toujours efficace, mais c’est peut-être qu’il doit encore trouver le bon mode de gouvernement. Il y a une contradiction à se plaindre d’avoir un cérébral qui analyse trop les choses après avoir eu un « décideur » qui a pris les décisions dramatiques que l’on sait. Si Obama a des doutes sur l’Afghanistan, n’est-ce pas salutaire, puisque tout le monde ou presque s’accorde quand même à penser que la guerre afghane est ingagnable, et qu’une intervention armée en Afghanistan n’est pas non plus la meilleure façon de prévenir un basculement possible du Pakistan vers un régime radical ?

La décision du comité Nobel est à première vue contestable puisque le président américain n’a encore aucun accomplissement tangible à son actif. Elle est donc audacieuse, cherchant à saluer et encourager l’effort intellectuel démontré par Obama et qui était attendu depuis la fin de la guerre froide – et qui fait écho à ses réflexions sur lui-même et sur l’idée américaine. Ce président-ci arrive aux commandes sans un long passé politique, sans être passé par les compromis inhérents à l’ambition publique, et avec une épaisseur intellectuelle rare, familier de la complexité des choses, et notamment de l’histoire et des relations entre les cultures. C’est ce tournant que le Nobel encourage, après les discours du Caire, d’Ankara, de Berlin, les positions sur les colonies juives en Palestine et le redémarrage de la relation russe.

Il est bon parfois d’alimenter l’idéal, de cultiver l’élévation que produit un moment de l’histoire – en l’occurrence, la présence à la tête des Etats-Unis d’un homme du profil d’Obama. La politique a besoin de réalisme, elle a aussi besoin de passion. L’intelligence et la tempérance qui marquent le magistère d’Obama ne sont certes pas la garantie du succès. Peut-être cette présidence sera-t-elle un désastre, ce n’est pas exclu. L’abolition du nucléaire est un idéal, caressé en son temps par Reagan et évoqué par McCain, qui n’est pas pour demain. De même le soutien inconditionnel à l’allié israélien continuera d’interférer avec tout progrès significatif dans la région. Le Prix Nobel de la Paix, dont on pouvait contester la pertinence, ne valide pas ici un acte de diplomatie (sa mission traditionnelle) mais anticipe audacieusement sur les événements en récompensant une vision encore à inscrire dans la réalité. Qu’a-t-on donc à y perdre ? Cela nous élève au-dessus du tumulte de la politique mondiale - et de la politique américaine (les républicains seraient inspirés de saluer, même du bout des lèvres, la récompense attribuée au chef de l’Etat, au nom de la civilité institutionnelle).

Un petit motif de satisfaction, l’ombre portée de Theodore Roosevelt sur la politique américaine contemporaine, dont il est beaucoup question dans « Après
Bush ». Obama est le troisième président en exercice à recevoir le Nobel. Le premier fut en effet le républicain Theodore Roosevelt pour sa médiation entre Japon et Russie en 1905, père d’une approche de retenue et de dialogue dans l’exercice de la puissance américaine alors naissante, et inventeur du progressisme politique aux Etats-Unis. L’autre fut Wilson, concepteur de la société des nations que les républicains, dont les exigences seront ignorées par Wilson, refuseront de ratifier. Notons que Franklin Roosevelt, l’icône démocrate, donnera aux idées de Roosevelt et Wilson tout leur ampleur avec l’ONU et le New Deal. Parce qu’il est l’héritier politique de Franklin Roosevelt, Obama est aussi celui de Theodore et de Wilson. Son attachement à un exercice ouvert du pouvoir, soucieux de consulter et d’écouter, de favoriser le « bipartisanisme », se retrouve autant récompensé par le Prix que sa défense de la coopération internationale et de la retenue dans l’usage de la force.

En récompensant Obama avant l’heure pour ainsi dire, le Nobel jette certes la lumière sur sa vulnérabilité, tant les défis sont sérieux et les critiques de plus Oen plus acerbes. Mais il montre aussi, dans un élan impétueux qui veut ignorer les réalités, le chemin à suivre à un moment crucial pour la paix et la prospérité mondiales

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