Obama n'était peut-être pas préparé aux obstacles institutionnels à son action publique. Ceux-ci n'ont cessé de résister à la formidable clairvoyance qui demeure sa marque de distinction. Les Américains s'opposent peut-être à ses choix, inquiets que l'Etat ne prenne trop de place dans une société où libre entreprise et responsabilité individuelle restent un principe central, même si beaucoup restent par exemple sans couverture maladie. Pour autant, leur respect de l'individu et leur estime pour le personnage politique ne sont pas fondamentalement affectés. Cela invite à la prudence quant à l'avenir politique d'Obama: la dynamique parlementaire qui semble réserver une défaite inévitable aux démocrates en novembre n'est pas une dynamique présidentielle. Dans 3 ans, Obama pourra parfaitement être réélu, comme le fut Clinton après la déroute électorale de 1994.
Un an de pouvoir d'un candidat exceptionnel confirme ce que l'on pouvait craindre: Obama n'a pas les moyens ou il n'ose pas être entièrement lui-même. Devant à la fois incarner une continuité américaine (il est le premier président noir et pour égaler la portée de son élection il lui faut être l'héritier de l'histoire américaine en bloc, sans inventaire, pour assoir sa légitimité historique) et ménager des intérêts contradictoires pour assurer - de plus en plus difficilement - l'adoption de la réforme (celle de la santé surtout), Obama ne parvient pas à faire de la politique autrement.
La politique washingtonienne et les pratiques parlementaires ont la vie dure; les arrangements de couloir au Sénat ou l'opposition systématique à la Chambre s'imposent aux projets présidentiels. L'ordre du jour et le rythme du travail législatif sont moins déterminés par l'Exécutif que par cette nécessité de gérer une majorité hétéroclite et une opposition puissamment nuisible, même si elle n'a pas de véritable projet alternatif.
Obama donne parfois l'impression de jeter l'éponge, démotivé par la complexité des processus et la nature des résistances. Il semble être trop au-dessus de la mêlée, entouré d'opérateurs politiques classiques formés à l'ère Clinton, qui n'apportent pas au président les clés d'une politique "autrement" et pratiquent le jeu washingtonien habituel. Défaut d'imagination?
Obama semble ainsi enfermé dans ce décalage irréductible entre ses aspirations et sa vision politique, et les mécanismes d'ici-bas, qui favorisent l'inertie. Des discours à l'action, l'écart se creuse, tandis que la fin de l'état de grâce a pulvérisé un capital politique assez magique.
Sans combler cet écart, Obama continuera de décevoir. La réforme de la santé est menacée, on ne parle plus de paix au Proche-Orient, quant à la Chine, les points de tension politique habituels continuent de prévaloir - Taiwan, Tibet - alors que la question vaut d'être posée s'il ne faut pas réviser entièrement le cadre des relations bilatérales, après les agressions électroniques et les réactions virulentes (attendues) de la Chine.
Parti de très haut, empêtré dans les mécanismes politico-institutionnels, Obama ne peut-il être lui-même ou n'ose-t-il pas? Ou les deux?
5 févr. 2010
Le mystère Obama
Mots-clés :
Barack Obama,
Congrès,
réforme
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