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3 oct. 2008

Super Sarah c. Vénérable Joe

Sarah Palin, que l'on attendait lors du débat de cette nuit pour juger de sa capacité à assumer la campagne présidentielle, après que des doutes légitimes se soient exprimés à son endroit, a repris la main de façon assez magistrale. Absence d'hésitation, débit élevé, formules percutantes, la colistière de John McCain ne s'est pas ridiculisée, tout au contraire. Elle a su incarner l'Amérique ordinaire et a voulu s'identifier à elle.

Joesph Biden, dont on craignait aussi quelques écarts, de l'ordre de l'arrogance plus que de l'incompétence, a évité cet écueil et a confirmé son image et son statut de vénérable sénateur des Etats-Unis. Un homme de qualité, compétent, au vocabulaire articulé, bref un vice-président qui ressemble plus à Al Gore et George H. W. Bush qu'à Dan Quayle ou... Sarah Palin.

Au total, un débat qui a eu de la tenue et qui fait plutôt jeu égal, car malgré sa longue expérience Biden n'a pas su créer une vraie distance avec sa rivale.

Si l'ignorance de Sarah Palin a été compensée par une réactivité et une combativité hors pair, la perspective qu'elle devienne vice-présidente n'est pas rassurante car l'Alaskienne est un peu la version féminine de George W. Bush: instinct et certitude dictent son discours, pas l'analyse et la réflexion. Ces défauts-là se sont révélés avec la même force que son aptitude à faire face dans un débat difficile. Sarah Palin sait apprendre, combler ses lacunes et rebondir, mais elle incarne l'Amérique sûre d'elle-même, à tort ou à raison.

En réitérant des formules choc et simples, comme l'indépendance énergétique et les emplois créés par les baisses d'impôts, et en sachant faire d'une faiblesse (son manque d'expérience) une force (elle se déclare étrangère aux us et coutumes du monde politique washingtonien, aux "combines" et à la langue de bois), exploitant l'anti-élitisme débridé de l'opinion qui touche Washington et Wall Street, Palin parle à l'Amérique ordinaire, à "mainstreet" (je suis une mainstreeter, affirme-t-elle). Il est à craindre que son style soit électoralement plus efficace que celui, plus cérébral, de Biden.

Sur un point en tout cas l'émotion est venue au secours de Biden. Après que Palin ait évoqué les difficultés financières rencontrées par son jeune ménage, Biden a contre-attaqué en démontrant qu'un père de famille aussi avait un coeur. Le souvenir de la disparition de sa première femme et de l'éducation de ses enfants l'amis au bord des larmes, mais ce léger embarrassement a aussi pu attirer la sympathie du public et défaire le monopole de Palin sur les choses de la vie...

Biden a toutefois manqué une occasion de mettre à nu les lacunes de son adversaire. Un des enjeux de ce débat était de rester courtois. La démocratie américaine fut la grande gagnante. Mais il aurait été facile de souligner par exemple combien l'image des Etats-Unis dans le monde était dégradée en raison de politiques soutenues par McCain et, plus encore, par l'esprit bushien qui y a conduit et qui est si bien accepté et repris par Palin.

Les Américains considéreront peut-être que Biden a remporté ce débat. Souhaitons-le. Il faut souhaiter aussi que lors des prochaines rencontres, les 7 et 15 octobre, Obama fasse preuve de plus de punch face à McCain. Il faudrait pour cela qu'il s'inspire de Super Sarah plus que du Vénérable Joe.

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