Cette fois pas de pupitre, les candidats ont répondu aux questions d’un panel choisi d’Américains en faisant les cent pas - format qui était surtout à l'avantage du républicain qui avait proposé des rencontres avec les citoyens à travers le pays à son adversaire.
Les deux candidats ont paru très comparables malgré des différences certaines. Ni McCain ni Obama n'a pas marqué de point, mais le second étant en tête, il conserve l'avantage.
La bonne performance des deux candidats, qui se sont abstenus d'attaques féroces sur les personnes comme l’a montré le ton de la campagne ces derniers jours, s'est jouée dans le sérieux et la sobriété. Dans les questions abordées, l'économie a pris une place prépondérante, mais la politique extérieure a aussi été évoquée.
On a eu le sentiment parfois que McCain parlait à des enfants tandis qu’Obama s’adressait à des adultes, tendance américaine à la simplification, mais cette impression s'est estompée au cours du débat. Le concours de simplification et de démagogie a cédé à un échange plus sérieux d’arguments.
Obama a repris l’argument-marteau de Biden contre la dérégulation, McCain a déclaré que l'Etat garantirait la valeur foncière des maisons américaines. Chacun fit assaut sur le "système" washingtonien (McCain le réformateur bipartisan, Obama contre les lobbyistes). McCain a insisté sur son « record » (ses actions et initiatives au Sénat), Obama sur le changement. L’indépendance énergétique est apparue comme une priorité. McCain a tenté de caricaturer les démocrates comme les rois de l’impôt et Obama les républicains comme les amis des plus nantis et de l’industrie. Obama a dû réagir, tant l’étiquette de « taxeur » est dangereuse aux Etats-Unis. L'Amérique ne change pas...
Chacun convient que la Sécurité sociale est une bombe à retardement et que l'environnement est un sujet grave. McCain, pro-nucléaire, a aussi livré un plaidoyer pour les énergies propres et s'est démarqué de la politique de « Bush et Cheney » (!) favorable à l’industrie pétrolière. Il a repris le manuel du républicain sur les questions de dépense, repoussant l’interventionnisme en faveur du choix individuel. Obama a rétorqué à nouveau en agitant le chiffon de la dérégulation.
Obama a été percutant sur la politique étrangère, accusant notamment la capacité de jugement de McCain – l’erreur d’avoir envahi l’Irak et de dépenser tant dans une guerre inutile. Contre-attaquant sur le calendrier de retrait voulu par Obama, McCain défend la victoire des troupes - Obama a été très critiqué par les républicains pour ne jamais prononcé le mot de victoire.
Comme au premier débat, Obama fut réactif et structuré. McCain fut bien plus à l’aise et efficace, se prévalant souvent de son expérience. Les deux héros de McCain sont, sans surprise, Reagan et Teddy Roosevelt, l'auteur de la formule célèbre qui doit résumer le comportement international de l'Amérique: « parler doucement mais porter un gros bâton ». McCain est revenu sur son dérapage « bomb bomb bomb Iran », mais a confirmé son hostilité à la Russie et marqué des points - l'Amérique doit être forte.
Il faut constater que, contrairement à la vieille Europe, le patriotisme est une valeur sacrée aux Etats-Unis – un jeune ancien combattant interroge les candidats sur l’Iran et Israël, McCain s'avance et lui sert la main, créant une familiarité au titre des hommes de service et d'honneur. Obama veut comme toujours sortir des simplifications et des messages attendus par une analyse construite qui va au-delà des réponses presque codées. C'est sa force et sa marque distinctive.
Le fait que le jeu soit à peu près égal - l'interprétation du débat dépend cependant toujours de quel point de vue on se place - montre que McCain ne réussit pas à percer mais qu'Obama, avec un ciel si favorable, ne parvient pas davantage à se placer loin devant, à faire un bond décisif en avant. Il faut constater que McCain est très résilient car tout joue plutôt en faveur de son adversaire.
Obama ne propose pas un discours de rupture qui marque les esprits, avec l'invention d'un nouveau New Deal. Sans doute serait-il taxé de socialisme par les républicains, mais il aurait un modèle dont se prévaloir, Franklin Roosevelt, et même son devancier Teddy Roosevelt, ce qui couperait l'herbe sous les pieds de McCain. Pourtant, Obama reste lisse. De mon point de vue il est meilleur mais il n'accroche pas. D'où doute quant à son action s'il était élu. Ce doute est celui aussi de beaucoup d'Américains.
En bref, l'Amérique ne semble pas à la veille d'un bouleversement. Ce sont les circonstances qui l'imposeront - notamment la crise qui exige de reconsidérer le rôle de l'Etat, comme à plusieurs reprises déjà au cours des cent dernières années. Pour réinventer le rêve américain.
8 oct. 2008
Débats présidentiels Acte III. Pas de miracle américain.
Mots-clés :
Barack Obama,
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John McCain,
Roosevelt
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