Avec les soulèvements des pays d’Afrique du nord et du Moyen-Orient, Barack Obama se trouve face au monde qu’il avait encouragé dans son adresse aux musulmans délivré au Caire en juin 2009. C’est pourquoi ce discours est si important dans l’histoire de la présidence Obama, et dans le recadrage de la relation de l’Amérique au monde.
Que la présidence égyptienne soit tombée par la rue ajoute au relief de ce passage d’Obama au Caire. L’Egypte est un pays clé du dispositif américain au Proche-Orient. Il fut neutralisé par les accords de Camp David au profit d’Israël et d’un processus de paix qui est une occupation sans fin, et qui prend en otage la modernisation de la région. Les régimes autoritaires s’y perpétuent en effet au prétexte de la sécurité et de l’idéologie de la lutte contre l’Etat juif, qui domine la politique régionale depuis des décennies. Le conflit du Proche-Orient a ainsi été un piège qui a interdit l’émancipation des peuples de la région au nom d’un impératif supérieur, la lutte contre l’occupant israélien. Cet impératif commode, auquel est venu s’ajouter la menace islamiste, elle-même en partie alimentée par la frustration des populations arabes devant l’inefficacité de leurs dirigeants face à Israël, a étouffé toute velléité de libéralisation. Que pouvaient faire les Etats-Unis ? La stabilité stratégique a primé pendant la guerre froide et il était plus facile, celle-ci disparue, de continuer comme avant. Il n’était pas possible, en outre, même pour les Etats-Unis, d’imposer la réforme aux régimes arabes. Le couvercle a donc fini par sauter là où on ne l’attendait pas, par la rue, en Tunisie et en Egypte, pour des motifs très bien compris par le président américain.
Que disait le discours du Caire ? Il reconnaissait le poids de l’histoire, l’héritage du colonialisme et de la guerre froide qui avaient privé les pays musulmans de leurs aspirations au nom d’un impératif stratégique supérieur, nourrissant des malentendus que la mondialisation allait exacerber. Obama rappelait que les Etats-Unis étaient nés d’un soulèvement contre l’oppression, que vouloir la destruction d’Israël ne servait pas la paix mais que les Etats-Unis ne reconnaissaient pas la légitimité de la colonisation israélienne et que les humiliations quotidiennes des Palestiniens occupés n’étaient pas tolérables. Surtout, Obama déclara que si chaque nation animait le principe [du gouvernement par la volonté populaire] à sa façon, selon ses propres traditions, tous les peuples aspiraient à la liberté d’expression, à la confiance dans l’Etat de droit et à l’égalité devant la justice. Il parla d’opportunité économique, du droit des femmes et de liberté religieuse, en bref d’une vie prospère et stable dans un système respectant les individus.
C’est précisément ce qu’ont exprimé les soulèvements récents, plus encore que les questions politiques comme le conflit au Proche-Orient ou un appel à la démocratie : une vie digne. Deux ans après son discours du Caire, Obama porte la responsabilité de conduire la politique américaine à l’heure où une profonde révision s’impose, aux conséquences bien difficiles à cerner. Etre en intelligence avec ce monde-là ne garantit pas cependant qu’il saura agir.
14 mars 2011
Au Caire, la vision d'Obama
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