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2 déc. 2009

Afghanistan : 3 « D » pourraient faire un « E »

Le président américain a annoncé l’envoi de renforts en Afghanistan. L’objectif ultime se résume en 3 D : déroute, démantèlement, défaite d’al-Qaida. Le régime taliban renversé en 2001 abritait l’organisation terroriste et c’est pour cela que l’action se focalise sur ce pays et non en Irak.

Il s’agit de créer les conditions qui interdiront le retour des talibans au pouvoir à Kaboul, et ce avec le soutien de forces nationales afghanes que les Alliés doivent former, pour s’assurer que la lutte contre al-Qaida sera efficace. Chose déjà curieuse puisque les groupements terroristes sont épars, transnationaux, avec une capacité à réapparaître après qu’un coup dur leur ait été porté. Le concours des institutions nationales et au-delà (l’Arabie saoudite ?) est donc indispensable pour espérer en venir à bout durablement. Cela ajoute à la haute probabilité d’un échec en Afghanistan.

Obama risque en effet en partie sa présidence sur ce dossier afghan, car malgré les renforts un échec ou un prolongement affecterait tout autre succès qu’il pourrait connaître ailleurs en politique étrangère. Le retrait des troupes en 2011 est en outre officiellement contingent des conditions sur le terrain, imprévisibles ce jour. Ainsi, une extension de la présence militaire américaine dans le pays est possible. La date de 2011, on le voit, n’est pas si certaine.

Mais il y a plus difficile encore que l’Afghanistan. Les 3 « D » pourraient en effet produire un gros « E » comme échec retentissant, car dans la stratégie déjà très ambitieuse qui consiste à faire d’un pays de malheur une région à peu près convenable institutionnellement (sans parler de ce Pachtounistan qui traverse les frontières politiques du Pakistan et de l’Afghanistan, comme le Kurdistan travers celle de l’Irak et de la Turquie), se trouve l’objectif déclaré de contribuer à la stabilité de long terme au Pakistan voisin, suite logique d’une lutte antiterroriste cohérente.

Cela signifie aider les militaires pakistanais à écraser les talibans afghans et pakistanais et al-Qaida, ce qui touche aux luttes internes au système pakistanais. Cela signifie aussi assurer la stabilité de l’Etat, ce qui est au cœur de ce même système. Or, selon le mot de Sashi Tharoor, député indien, auteur, et ancien secrétaire général adjoint de l’ONU, en Inde l’Etat a une armée tandis qu’au Pakistan l’armée a un Etat. En d’autres termes, les divisions internes au Pakistan, entre civils et militaires et au sein de l’armée elle-même, et les disparités économiques qui fragilisent la société civile, ainsi que l’usage de l’irrédentisme au Cachemire dans les relations avec l’Inde, rendent la tâche immensément périlleuse.

Depuis des décennies les Etats-Unis financent l’armée pakistanaise sans avoir de prise réelle sur un régime à l’instabilité chronique, qui alterne régime d’exception et gouvernement civil appuyé sur une majorité fragmentée. Les renforts n’aideront guère à assainir la vie nationale pakistanaise, ni à y convaincre l’armée d’intensifier la lutte contre les groupements au Pachtounistan afghan ou pakistanais.

En Afghanistan les Allies restent otages du « conundrum » pakistanais : voie sans issue. Il faut espérer que la réforme de l’assurance santé offrira quelque capital politique au président américain car il en aura probablement besoin dans quelques mois.

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