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2 avr. 2009

G20: la vraie rencontre

Intéressant de lire dans le Post sous la plume de Robert Kagan, l'homme dont on beaucoup trop parlé après qu'il eut forgé la métaphore sur l'Amérique "Mars" et l'Europe "Vénus", qu'un journaliste français lui fasse cette confidence à propos d'Obama: "Nous avons tous été surpris. Il est tellement...américain". Aveu d'une affligeante naïveté à laquelle font écho les attentes des Européens au G20 de Londres, en tout cas vu de l'extérieur: Obama le messie... avec cette contradiction que les Européens ne sont pas en mesure de fournir ce qu'Obama leur demande, condition d'un dialogue d'égal à égal.

"Les Européens adorent Obama, écrit Kagan, mais les dirigeants européens ont été fébriles depuis son élection. George W. Bush leur a fait une énorme faveur en leur offrant la meilleure excuse pour l'inaction dans l'histoire transatlantique. Arrive Obama, si engageant et, pourtant, si américain." Cette caricature de l'Europe ne me paraît pas raisonnable. La réalité, s'il est vrai que les Européens continentaux, très marqués par les conflits du dernier siècle, se sont habitués au confort de l'intervention étatique dans le domaine social et sont peu à l'aise avec la destruction créatrice qui caractérise les Anglo-Saxons, qu'ils sont enclins, selon le mot d'Hubert védrine, à une ère post-tragique, est que l'Europe est morcellée en Etats et divisée, et qu'elle ne saurait prétendre égaler les USA. Il est faux de prétendre qu'elle n'a pas de volonté - la leçon du président français lorsqu'il présida l'UE fut bien cela: une démonstration de volonté.

Ce qui est en cause, c'est la réalité des rapports de force et du poids respectif des acteurs. Il était prévisible, écrit même, que la vraie rencontre, selon toute vraisemblance, serait celle entre la Chine et les USA. Laissons de côté l'obamania tant qu'elle durera, Obama ou MacCain, la grande relation des décennies à venir est celle entre Pékin et Washington.

L'arrivée de la nouvelle administration US a pointé vers les priorités: l'Asie et la lutte au Pakistan-Afghanistan. Clinton a fait le voyage en Indonésie, brillante idée me semble-t-il du nouveau président qui a passé une partie de son enfance. L'Amérique a une priorité de politique étrangère: l'Asie.

Kissinger avait prévenu que sa génération et la suivante étaient les dernières où Américains et Européens partageraient une intimité d'expérience et de culture - ou quelque chose de ce genre. On a glosé sur les chanceliers allemands nés après-guerre (Schroeder, Merkel) qui permettraient à l'Allemagne de se décomplexer et de prendre une part plus active à la vie internationale. Les générations passent aussi aux Etats-Unis. Avec Obama chéri, l'Europe passe donc officiellement au second plan. mais il faut aussi s'en réjouir, car c'est le prix de la paix européenne. Les peuples heureux n'ont pas d'histoire...

L'Europe est une réussite institutionnelle et politique sans équivalent - "l'innovation la plus révolutionnaire dans l'histoire de la géopolitique" dit Kagan. Elle pèse de tout son poids en matière commerciale car elle parle et agit sur un mode fédéral. Malgré tous les efforts, elle reste diminuée au plan politique et l'Amérique parle surtout à la Chine. Il faut soit abdiquer sa souveraineté, soit accepter de tenir un rôle secondaire, mais non moins satisfaisant, en promouvant par exemple des idées nouvelles comme la refonte de la gouvernance mondiale en invitant d'autres pays à la table - précisément ce que fait le G20.

Il y aura donc la relation USA-Chine, comme hier la relation USA-URSS, et à côté une Europe à influence variable selon les sujets, la force de ses propositions et la qualité - en ce moment et à quelques rares exceptions près, assez médiocre - de ses dirigeants.

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