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8 août 2008

Les JO, la Chine, Mousharaf, Bush et Sarkozy

Le président pakistanais a renoncé à la cérémonie d'ouverture des Jeux de Pékin. La procédure de destitution engagée contre lui par la majorité parlementaire explique cette décision. Ces événements replacent le projecteur sur le Pakistan dont il a plusieurs fois déjà été question ici, en raison de la conviction depuis longtemps que le danger numéro un pour la paix mondiale se situe au Pays des purs. Pourquoi Mousharaf ne se rend-il pas à Pékin ? Non parce que la coalition hétéroclite qui a gagné les législatives représente une menace immédiate. On verra bien si la destitution aboutit. Le danger, pour l'ancien général qui se démit avec beaucoup de réticence de ses fonctions de chef de l'État-major, dans un pays où l'armée joue un rôle politique clé depuis des décennies, est que l'armée ne le soutienne plus et qu'un coup soit ourdi contre lui en son absence. Mousharaf lui-même exécuta son coup d'état en 1999 contre le Premier ministre Nawaz Sharif, figure de l'actuelle majorité, tandis que celui-ci était à l'étranger.

Derrière les controverses sur les droits de l'homme en Chine, les JO nous rappellent que la poudrière pakistanaise n'a pas fini de menacer. Une guerre civile au Pakistan, où les services de renseignement sont les premiers soutiens des Talibans, compliquant toujours plus l'alliance avec les États-Unis, serait potentiellement désastreuse. Obama a eu raison de pointer très tôt le doigt sur Islamabad. McCain se range maintenant à cet avis en considérant, lui aussi, déplacer des troupes d'Irak vers le front afghano-pakistanais.

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Quant à la Chine alors ? Le président américain a choisi Bangkok pour prononcer un discours sur les droits de l'homme et les libertés individuelles. On annonce que le président Sarkozy ne recevra pas le dalaï-lama comme cela avait été évoqué. Les activistes, aux États-Unis comme en France, s'énervent de la timidité de nos dirigeants face au régime chinois. On entend sans arrêt des appels à la liberté et à la démocratie ; c'est honorable, mais c'est une vue très occidentale.

Si cette liberté est destinée aux Chinois, c'est oublier que les critiques virulentes contre la Chine à un moment de gloire nationale offerte par la réception des JO, fait dont on ne mesure pas assez la portée historique du point de vue chinois en général, et pékinois en particulier, pourraient être mal ressenties par ceux-là mêmes qui sont censés en être les bénéficiaires. Leur régime, les Chinois s'en chargent. La fantastique transformation qui a cours depuis 1978 ne peut laisser penser qu'un pays qui n'a pas connu de travail intellectuel comme la France et l'Angleterre en ont accompli depuis plusieurs siècles, au prix de révolutions, pourrait demain adopter nos mœurs politiques et leurs fondements philosophiques.

D'autre part, le régime chinois a une hantise : l'instabilité sociale. Un échec de la poursuite des réformes économiques pourrait engendrer des désordres préoccupants, menaçant la stabilité régionale. Cela ne serait sûrement pas dans l'intérêt du reste du monde, y compris le monde occidental. La transformation politique de la Chine aboutira sous une forme encore inconnue, et il faut certes faire pression, être ferme, mais avec bonne mesure. Et les dirigeants chinois n'ignorent pas l'autre face de la Chine que montrent en boucle les médias occidentaux, ni les aspirations d'une partie de leur population à ce que l'étau politique se desserre.




Le discours sur les libertés individuelles est donc nécessaire, mais l'on ne peut sans discernement attaquer les présidents Bush ou Sarkozy sur un quelconque manque de courage. Ils ont clairement fait savoir ce qu'ils pensaient en notre nom, mais il est de leur responsabilité de favoriser aussi l'intégration de la Chine au système mondial. La voie est étroite et la charge des affaires exige de mêler idéaux et réalisme. Du reste, que pourraient-ils faire de miracle devant Pékin lorsque l'on n'est pas capable de faire obstacle à Mugabe ? Les Chinois eux, l'ont mis dehors.

Faire entendre le message aux dirigeants chinois est donc une chose, appeler à une culture occidentale en Chine (ou en Russie) est l'aveu d'une méconnaissance profonde et d'un manque de clairvoyance élémentaire. La politique est affaire de culture et celle-ci est un processus lent, qui se mesure sur le temps long dont le monde chinois a coutume.

Notons au passage que ni Obama ni McCain n'ont, pour l'instant, fait de la liberté des Chinois un enjeu de campagne.





Cet article est une co-édition Politique américaine / Agoravox

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