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3 juil. 2008

Religion : Obama dans les pas de Bush



Barack Obama a annoncé son intention de renforcer la Faith-based Initiative du président Bush s'il était élu. Magnifique continuité américaine !








La Faith-based Initiative est un programme qui fut établi en 2001, au début du mandat de George W. Bush. Il permet à des associations religieuses caritatives de gérer des fonds publics destinés à l'action sociale contre la pauvreté.

L'initiative avait suscité de vives critiques, soucieuses du respect de la séparation de l'Église et de l'État. Obama précise que l'usage des fonds alloués aux organisations religieuses sera contrôlé pour ne pas que celles-ci fassent de prosélytisme ou ne pratiquent une discrimination selon des critères confessionnels. Si les Américains sont nombreux à penser que les associations devraient être autorisées à utiliser des fonds publics, ils sont aussi soucieux de la Séparation.

Obama vise à empiéter sur le vote républicain en attirant à lui une partie des électeurs sensibles aux "valeurs" sur lesquelles s'était en grande partie basée la campagne de Bush en 2004. Il est le premier candidat démocrate depuis Jimmy Carter qui puisse prétendre réunir sur son nom le vote des Américains proches des milieux évangéliques, compte tenu de sa propre expérience paroissiale et dans le domaine de l'action sociale dans les communautés - les milieux liés par une identité commune, quartier, race, croyance, bienfaisance, etc...

Le terme de "community", très courant dans le langage américain, revêt aux États-Unis une acception différente de l'Europe. Il renvoie à la notion d'une vie sociale définie par les groupements d'individus qui ont peu à peu conquis et habité le territoire américain, créant un tissu social où le communautarisme, sans remettre en cause l'appartenance nationale autour de la Constitution et du drapeau, la complète. Nous nous définissons d'abord comme une nation forgée par l'État tandis que la notion de communauté est aux États-Unis très puissante, exprimant la liberté individuelle face aux institutions politiques centrales, et aussi, en général, l'appartenance à une même Église.

Obama est un Américain. Penser que ses origines kenyanes et son opposition à l'invasion de l'Irak font de lui un candidat qui pense davantage comme les Européens est une erreur. Bien plus que McCain, Obama a vécu dans un contexte très marqué par les croyances lorsqu'il travailla comme "community organizer", responsable d'action sociale auprès de communautés désavantagées à Chicago. Son engagement dans la vie publique est indissociable de cette expérience. Obama, certes riche d'origines sociales et raciales plus diverses que celles d'un McCain, reste le produit de l'idée américaine et aussi du rêve américain.

Son approche exprime aussi un trait éminemment américain: l'efficacité ("problem-solving"). Si les œuvres sont plus efficaces que l'État pour mener à bien des actions caritatives, en ce cas soyons pragmatiques et laissons les "communautés" s'occuper d'elles-mêmes, y compris avec les bénévoles qui les entourent, en utilisant les fonds mis à disposition. Cela évite aussi les redondances et gabegies inévitables des programmes sociaux publics.

Imagine-t-on seulement le branlebas de combat et les hurlements que provoquerait une telle approche en France?

Au-delà de la tactique électorale, sa position en faveur d'une Faith-based Initiative élargie illustre donc ce trait durable de la vie américaine : le rôle de la religion. Pour la première fois un démocrate peut briser le monopole républicain sur le vote des militants évangéliques et des Américains sensibles aux valeurs traditionnelles comme la famille et l'attachement à sa "communauté". Obama ne fait pas d'effort surhumain ni ne se fait passer pour ce qu'il n'est pas, contrairement à Hillary Clinton qui déclara avoir un jour penser devenir un ministre méthodiste...

Obama prend aussi la mesure du changement qui s'opère au sein des mouvements évangéliques, de plus en plus portés vers la résolution de problèmes de pauvreté ou de climat, moins vers un militantisme intolérant sur l'avortement.

Ce changement ouvre un boulevard aux démocrates. Obama est certainement le meilleur candidat pouvant arrimer une partie de ces milieux au parti, en particulier dans la mesure où le candidat républicain n'a pas les pleines faveurs des milieux évangéliques qui ont si puissamment soutenu Bush. McCain cultive le lien avec les évangéliques, mais l'on sait bien que ce n'est pas un choix de cœur. McCain parle très peu, lui, de religion dans ses discours.

Cette vision imprégnée de religion qu'exprime Obama, reprise de Bush, n'a rien de fanatique, mais elle est très éloignée de la vie européenne. Elle suggère que la dimension messianique de l'action internationale des États-Unis demeurera. Leur perception d'eux-mêmes comme force de bien et porteurs d'une mission civilisatrice perdurera. Ceci est vrai d'Obama plus encore que de McCain - même si celui-ci a aussi, bien sûr, manifesté son soutien à la Faith-based Initiative. La politique extérieure conduite et le discours seront peut-être plus réalistes, moins ignorants du monde. Mais l'axe central d'une projection des valeurs américaines restera. L'Amérique ne changera pas.

Cela est d'autant plus vrai qu'Obama veut rassembler l'Amérique autour d'un projet commun, partagé par tous. Cela inclut résoudre le malaise intérieur, né des difficultés économiques et sociales, mais aussi promouvoir une vision de l'action des États-Unis dans le monde. Celle-ci ne sera pas nécessairement très différente de celle de Bush. Elle devrait s'en distinguer largement en revanche, dans les modalités. N'est-ce pas, au fond, ce qui nous importe le plus ?


Cet article est une co-édition Politique Américaine /

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