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25 juil. 2009

Le renversement américano-indien

La visite d’Hillary Clinton en Asie la semaine dernière a montré l’importance prise par les relations entre les USA et l’Inde. Cette montée en gamme est un renversement historique.

Les rapports entre les deux pays sont l’histoire d’une occasion manquée. Lorsque l’Inde indépendante glisse vers l’amitié socialiste avec l’URSS, trop contente de s’entendre avec l’Inde et de faire un pied de nez à la Chine, la distance s’installe avec les Etats-Unis et la visite de Dwight Eisenhower en 1959 ne changera rien. Le rapprochement américano-pakistanais dans les années 1980, pour lutter contre l’influence soviétique en Afghanistan, ajoute à l’étrangeté entre les deux démocraties.

L’année 2000 voit le renversement s’opérer, dans un contexte stratégique transformé. Après les sanctions économiques imposées par les Etats-Unis en 1998, suite aux essais nucléaires auxquels a procédé le gouvernement BJP (et auxquels les Pakistanais répondirent en espèce, avec leurs propres essais), Clinton change de main. Visite d’Etat et rapprochement : le tournant de la politique économique de 1991, engagé par l’actuel Premier ministre, et le besoin de repenser les équilibres stratégiques régionaux avec une Chine qui ré-émerge, dictent cette politique.

George W. Bush va plus loin encore avec la signature d’un accord de coopération nucléaire civil en 2005, tenu en otage par les alliés communistes du parti du Congrès revenu au pouvoir, mais soutenu au Congrès par de nombreux sénateurs démocrates parmi lesquels Obama, Biden et Clinton. L’éclatante victoire aux élections du printemps 2009 laisse les mains libres au gouvernement reconduit pour resserrer les liens stratégiques avec les USA.

Cet axe nouveau ne cesse de s’affirmer depuis dix ans et la visite de Clinton sanctionne ce mouvement. Les attentats de Bombay en novembre 2008 ont quelque peu rapproché les deux pays au plan émotionnel face au terrorisme. Les désaccords sont toutefois nombreux, notamment en matière commerciale, dans le cadre de Doha (OMC) ou au plan bilatéral, et s’agissant de règles environnementales que les Indiens rejettent. Mais une ère nouvelle est solidement entamée, et si l’acrimonie ancienne qui fait des Indiens des alliés sceptiques des Etats-Unis persiste, le resserrement qui se poursuit remarquablement de Clinton à Clinton en passant par « W », devrait peu à peu effacer le souvenir des occasions manquées.

Dans les années qui viennent, l’on verra émerger en douceur un dialogue stratégique américano-indien appelé à concurrencer en importance le SED sino-américain (Security and Economic Dialogue) légué par l’administration Bush.

(Sur les relations américano-indiennes, voir les excellents papiers de Jaswant Singh, ancien ministre des Affaires étrangères BJP, et Robert Blackwill, flamboyant ambassadeur US et architecte de l’accord nucléaire de 2005, in Politique Américaine n°5, automne 2006)

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